tu étais le brigand détourné à l'univers du vaste,
flanqué de chausse-trapes, de remparts, de chêneaux
avec cette tendance à jeter les modes d'emploi
à faire semblant de ne pas les comprendre
tu étais l'escarpe à la poursuite du vent
le temps n'a de prise que sur celui qui le compte
les jours sensibles, tu avançais incognito
d'autres tu te cognais aux flancs des possibles
toujours avec élégance, tes mains fines sur les hanches
car tu étais le roi d'un monde au sommet d'une jeune terre
un espace débutant que toi seul habitait
bien sur certains jours, tu n'en menais pas large
lacrymales à vif, tu en saignais, quelques hématies crues
tu tombais sauvage dans le fracas des genoux
tu te noyais dans une douleur close, à peine visible
translucide comme le plat de l'océan,
l'eau bleue diaphane d'un archipel au loin
alors tu attendais, tête baissée, épaules à terre
tu attendais, tu écoutais, paumes serrées aux tempes
nulle trace de résignation, tu veillais sans répit,
les bruits de ta terre, les chants immobiles
les hasards d'un ciel tombé tellement bas
tu ne voulais ignorer aucune traverse
tu ramassais tes larmes sèches, tu en goûtais le sel
et tu les redessinais belles sur la toile de tes nuits
tu étais le brigand fou, indigent et heureux
le voleur d'étoiles qui dansait à l'épuisement
tu fouettais l'air visqueux d'un revers de tango
à ne savoir t'incliner à rien d'autre que la vie
comme un fil ténu, une poussière irritante
tu étais le puissant d'un royaume masqué
sans sujets, profondément libre et vivant