tu vois cette histoire, elle n'a pas de nom
elle n'en a jamais eu
normal, je n'ai jamais su comment l'appeler
elle se paume dans les mots sans rimes de ma mémoire à ne savoir qu'en faire
à ne rien savoir faire d'autre que d'imaginer ses contours dérangés et j'en prends pour perpette
les mêmes me renvoyaient une image rayée qui me semblait familière; mais j'avais beau avoir ce sentiment cave de la connaître, essayer de la saisir revenait à se ridiculiser autant que de tenter d'attraper des doigts ce mot que tu avais juste là, sur le bout de la langue
j'en ai passé des heures à ravaler mon spleen après l'avoir mâchonné furieusement comme des feuilles de coca, dans une tentative brève et antalgique
je crevais d'anesthésier un peu mes muqueuses irritées du manque d'identité
des boulets d'enclumes en nausée massive, j'en ai eu ma dose, tu mesures pas, toutes solides, accrochées en périphérie de palpitant
ça s'entrechoquait dans un boucan de tous les diables mais personne n'entendait,
sauf moi, qui pourtant n'y entendait rien, à cette histoire sans nom
c'était pas pour rire au fond, rien que l'éclat lumineux parfois des gorges déployées par un bon mot, à part ça, c'était pas pour de rire, c'était pas pour rien, tu crois pas ?
au plus dur du tirant d'enclumes suspendues maladroitement, comme si un gamin de cinq ans les avait punaisées sans but au marteau, alors les veines gonflaient si forts qu'elles étaient sur le point de lâcher pour mieux se rompre, à répandre leur contenu visqueux au pli de l'aine
cette silhouette, je la désirais tellement dans mes égarements opiacés, je n'en conservais que le parfum répulsif de l'éther
mais personne et surtout pas moi, personne n'avait son mot à dire;
alors je ne récupérais que les scories du gravier mouvant, mourant entre mes poings, serrés jamais assez
pareil à un sablier moribond, je contemplais mon reflet en train de se vider de son sable sans rien pouvoir y faire
dans la catatonie de l'instant, je me résignais à punaiser une enclume supplémentaire, main gauche armée d'arrogance stupide, pleine de lourdeur moite
je me disais, allez, pour me mettre au défi, tenir un semblant de
c'est drôle, je me disais, si j'arrivais simplement à la nommer, j'arrêterais de la voir floue comme ces volutes de clopes plafonnées en fin de parcours; je prendrais son incorporéité pour preuve tangible de son inexistence, et la réalité des faits à bras le corps, comme les vrais, les téméraires, les rois de la gagne
avec l'innocence fraîche des heureux
mais une bonne résolution de même pas premier de l'an en exterminant une autre dans la seconde, j'oubliais chaque lettre posée sur le papier dès la suivante déposée
j'ajoutais un trait supplémentaire au pendu latéral souriant bêtement, pieds et bras dans le vide
et j'agitais le tout à la face de ceux qui cherchaient avec moi
pour l'exemple